Un changement de nom et une relégation plus tard, le président duchérois a accepté, pour Lyon Foot, de dresser un bilan de son début de mandat et de dévoiler ses ambitions (interview initialement parue dans le cahier Lyon Foot du magazine LyonMag, daté de février)
Quel regard portez-vous sur le travail accompli depuis votre arrivée à la tête du club ?
Il faut regarder deux choses : le plan sportif et ce qui nous caractérise, c’est-à-dire l'investissement sur ce territoire au niveau social, car les deux points sont autant importants pour nous. On porte un projet singulier, que l’on veut à la fois d'excellence sportive et d'excellence sociale.
Commençons alors par le sportif… La première année a été marquée par une relégation, puis par une saison compliquée où le club a lutté pour rester en National 2. Cette fois, vous jouez la montée ?
On a pu, pour la première fois, bâtir l'effectif que l’on voulait. On est troisième de notre groupe, on a fait une première partie de saison pleinement satisfaisante. Il faut rester dans le haut du tableau pour ne pas risquer de descendre et, éventuellement, pouvoir jouer la montée. Cela reste un objectif, d'une façon générale, de vite remonter au troisième échelon du foot français avant que cela ne devienne la Ligue 3. Quant à la Ligue 2, ça reste un objectif mais un objectif complètement théorique.
Votre credo, c'est donc chaque chose en son temps ?
On reconstruit par la base. Aujourd'hui, on est en haut du classement. Si c'est toujours le cas dans les semaines qui viennent, les questions se poseront différemment. On sera en mesure d’afficher, ou pas, des ambitions dès cette année. À moyen terme, d'ici deux ou trois ans, on a cette ambition de monter en National 1 et on pense, comme Jean-Michel Aulas, qu'il y a la place pour un deuxième club à Lyon. On doit être ce club, si un jour ça arrive.
Vous évoquez Jean-Michel Aulas. On sent que les relations avec l'OL se sont apaisées...
L'ancienne équipe dirigeante s'était mise en opposition à l'OL. Alors que sur le fond, c'est ridicule, on ne joue pas dans le même univers. On est des supporters de l'OL. On veut plutôt proposer une offre complémentaire, une offre de foot populaire. On peut être un outil de l'OL. Si ça peut faire émerger des talents de ce territoire et que demain ils puissent aller jouer en pro et à l'OL, on sera tellement content de ce modèle-là.
Vous avez d'ailleurs signé un partenariat avec l'Olympique Lyonnais. Qu'est-ce que cela vous apporte au quotidien ?
Ce partenariat est extrêmement prometteur sur plusieurs champs, dont un qui n'est pas exploitable aujourd'hui, le prêt de joueur. Ça aura du sens quand on évoluera en National 1. Au quotidien, ça nous apporte de la formation pour nos encadrants et nos éducateurs. Ça nous permet d'emmener les enfants du club au stade pour voir des matchs. Et ça nous aide aussi au niveau du fonds de dotation, puisque OL Fondation participe à hauteur de 50 % au budget de notre pôle de prévention des violences faites aux enfants.
À votre arrivée, vous aviez émis le souhait de constituer une équipe première, essentiellement avec des joueurs formés au club ou, plus largement, du bassin lyonnais. Y êtes-vous arrivé ?
On a toujours cette ambition. Pour la première fois cette saison, on n'avait plus de contrat en cours, donc l'un des objectifs était d'avoir au moins 50 % des joueurs qui soient issus du bassin sportif lyonnais. Et puis ensuite, dans le cadre de notre formation, l'objectif est de garder un maximum de Duchérois : on en a 90 % chez les petits, mais plus on avance dans les catégories, plus ce chiffre a tendance à diminuer. L'idée est de promouvoir au maximum les talents du quartier, sans pour autant faire baisser la qualité. Ce qui s'est fait dès cette année, avec une forte proportion de joueurs formés au club chez les U17 Nationaux. On a même pu créer une équipe B, 100 % duchéroise. L'idée, c'est de développer les capacités des uns et des autres, en espérant ne pas se les faire piquer ensuite…
Avec l'idée, un jour, d'avoir enfin votre propre centre de formation ?
Le jour où l’on aura l'impression d'avoir réussi notre mission, c'est quand on aura notre centre de formation, avec des équipements sportifs dans le coeur de la Duchère. On aura alors l'impression d'avoir fait une offre d'excellence dans un quartier compliqué. On y travaille déjà. Je suis en lien avec la Ville et la Métropole pour les équipements à venir et on avance ; il y a une volonté de leur part de trouver des solutions claires. Il faut convaincre les pouvoirs publics que ces investissements financiers sont nécessaires. Un terrain, c'est tout de suite 500 ou 600 000 euros, donc on a bien conscience que les choses ne se font pas du jour au lendemain. On travaille sur un plan à moyen terme.
Et qu'en est-il de la rénovation du stade Balmont ? Cela faisait aussi partie de vos priorités…
C'est prévu pour fin 2024. Le stade sera converti au synthétique, ce qui est essentiel pour nous. Aujourd'hui, on peut très peu jouer sur cette pelouse, en raison de l'entretien que cela représente. On est seulement à deux matchs par mois, alors qu'on parle quand même du dernier stade de Lyon dédié au foot. Aujourd'hui, nos licenciés, dès qu'ils ont plus de 16 ans, doivent aller s'entraîner à la plaine des jeux de Gerland. Ce n'est pas cohérent quand on fait du foot d'excellence, avec trois ou quatre entrainements par semaine. Il faut avoir les outils pour bien mener notre projet de territoire.
Vous parlez de territoire. Vos locaux sont basés à Gerland et non à la Duchère… Les locaux au sein de la Halle Stéphane Diagana, située à deux pas de Balmont, vous ont-ils été enfin attribués ?
La Ville de Lyon y est favorable, mais ça demande des investissements supplémentaires. Ça aurait du sens, compte-tenu de notre implication et du rôle social que l’on mène. Aujourd'hui, nos bureaux sont à Gerland car 6e Sens Immobilier (le principal actionnaire, ndlr) nous prête des locaux, mais c'est complètement incohérent. Sous la Halle, ça ne peut pas être plus cohérent, on serait vraiment en vitrine : l'un des principaux acteurs sociaux qui s'installe en plein coeur du quartier… On a des tas de projets sur la scolarité, des incubateurs d'entreprises, de radio associative. Ces locaux, il nous les faut. J'espère qu'on trouvera un terrain d'entente avec la Ville.
Car le club incarne pleinement le quartier de la Duchère. Certains diront d'ailleurs que le social prend le pas sur le sportif…
Ceux qui disent ça n'ont rien compris à notre modèle. On n'a pas d'économie du sport. Donc aujourd'hui, si on n'a pas de chefs d'entreprises qui viennent et qui portent un projet, il n'y a rien. Souvent dans les clubs, il y a une équipe 1 et il n'y a pas grand-chose derrière. Ça a été le modèle de la Duchère à une certaine époque. Et puis, il y a ce que je pense être le modèle de demain, des clubs impliqués sur leur territoire, même si chaque territoire est différent. Dans nos banlieues, il y a énormément de talents qu'il faut accompagner dans leur vie car le foot est ingrat. Combien vivront du foot derrière ? Il faut les accompagner dans leur scolarité, dans leur orientation professionnelle. Si on ne se préoccupe pas de leur santé, si on ne les ouvre pas à la culture, aux institutions… Si on ne le fait pas, on passe à côté de nos objectifs à long terme.
C'est pour cela que le club s'est déclaré société à mission ?
Évidemment, et encore plus dans un monde du foot qui est, quand même, complètement fou. Moi, ça me dérange de voir qu'on brasse des centaines de millions pour taper dans un ballon, alors que j'adore ce sport. Et encore, ces joueurs créent une économie et rapportent de l'argent. Aujourd'hui, on a des joueurs payés à plein temps en National 1, National 2, voire National 3, avec des salaires qui peuvent être complètement délirants. On ne voulait pas entrer là-dedans. Donc, on a mis un salary cap. La moyenne chez nous ne dépasse pas les 2 500 euros brut. Le mieux payé doit être à 3 400 euros. À notre arrivée, on a mis fin à des contrats que l’on jugeait excessifs pour le projet qu'on avait. Les dirigeants qui veulent monter les échelons le plus rapidement possible, voudront peut-être mettre le prix. C'est leur problème. Mais comme il n'y a pas d'économie, ces modèles se cassent la gueule très rapidement.
En tout cas, tous vos comptes ont été validés par la DNCG en fin d'année…
On a récemment opéré une augmentation de capital qui a été validée. On vit avec 85 % d'argent privé aujourd'hui et on en est plutôt fier. C'est important pour notre projet global. On n'a pas grand-chose à vendre aux entreprises d'un point de vue sportif, on n'a pas de diffusion, on ne peut pas vendre de loges. Mais on peut vendre notre état d'esprit, notre histoire et l'exemplarité de notre modèle. Et surtout, on a de vrais projets à long terme...
Propos recueillis par F.L.